
Trouver sa taille de vêtement: un défi dans l’industrie de la mode
Pourquoi est-ce qu’un XL aujourd’hui ne correspond pas au XL d’il y a 100 ans ?
Les tailles de vêtements varient selon les pays, les marques et même les styles.
Explorons l’évolution des tailles dans l’industrie de la mode, de la confection sur mesure à la standardisation, afin de comprendre pourquoi il est si difficile de trouver sa taille de vêtements aujourd’hui.
L’ère du sur-mesure
Avant 1803, la majorité des vêtements étaient confectionnés sur mesure. Les femmes cousaient elles-mêmes leurs vêtements ou les faisaient faire par des couturières. Chaque pièce était ajustée selon la morphologie de la personne qui allait la porter. Il n’était donc pas nécessaire d’avoir un système de tailles.
Mais entre 1803 et 1865, les guerres (notamment les guerres napoléoniennes, la guerre de Crimée et la guerre de Sécession) ont nécessité la production en masse d’uniformes. Cela a conduit à la création d’un premier système de standardisation, basé sur une seule mesure : le tour de poitrine des hommes.
Graduellement, cette standardisation s’est étendue aux vêtements masculins du quotidien. Avant la Première Guerre mondiale, les hommes d’affaires commandaient un complet dans la taille la plus proche de la leur, puis un tailleur ajustait le patron pour que le vêtement soit ajusté à chaque client.
L’industrialisation
La Première Guerre mondiale a accéléré la production de masse, entraînant la création de nombreuses manufactures textiles. Vers la fin du 19e siècle, la majorité des hommes achetaient du prêt-à-porter. En revanche, les vêtements pour femmes étaient encore majoritairement conçus par les femmes elles-mêmes ou dans les ateliers de couturières.
Cela s’explique par le fait que les femmes portaient encore des vêtements ajustés et des corsets, rendant le développement d’un système de gradation plus complexe. De plus, puisque les femmes ne participaient pas à la guerre, la production de leurs vêtements pouvait être plus lente.
La naissance des tailles standardisées dans la mode féminine
Vers 1908, la mode féminine s’éloigne progressivement des corsets, et le prêt-à-porter pour femmes se popularise dans les années 1920. Alors que les standards de taille provenaient principalement du Royaume-Uni et de la France au départ, les manufacturiers britanniques ont fini par adopter le système de grandeur des États-Unis au 20e siècle.
C’est qu’en 1939, les États-Unis lancent une vaste étude pour standardiser les tailles féminines, en mesurant 15 000 femmes. L’objectif : produire efficacement des uniformes pour les travailleuses dans les usines pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cependant, les limites de cette étude sont nombreuses : seules les données des femmes blanches ont été conservées, et les participantes étaient souvent issues de milieux plus modestes (puisqu’elles étaient payées pour participer). Cela a produit une base de données très peu représentative de la diversité des corps féminins.
Malgré cela, plusieurs manufacturiers, dans divers pays, se sont inspirés de cette étude pour bâtir leur charte de gradation. Encore aujourd’hui, les tailles que l’on retrouve au Canada et aux États-Unis en sont influencées.
Évolutions et dérives des tailles standardisées
Dans les années 1970, alors que l’industrie avait des standards relativement similaires, les marques de vêtements, surtout américaines, ont commencé à réduire leurs tailles. Ainsi, un 12 était étiqueté comme étant un 10, un 10 comme un 8, etc. Elles ont aussi introduit de plus petites tailles comme le 2, le 0 et éventuellement le 00. C’est ce qu’on appelle le « vanity sizing », une stratégie marketing visant à flatter les consommatrices et à les encourager à acheter davantage.
Le Canada a également été influencé par le « vanity sizing », bien que dans une moindre mesure que les États-Unis. C’est pourquoi, aujourd’hui, un S aux États-Unis est souvent comparable à un M canadien, le Canada étant influencé à la fois par son voisin du sud et par l’Europe.
Évidemment, il est normal que chaque compagnie et chaque pays essaie de s’adapter à sa clientèle cible. Par exemple, il était nécessaire pour les États-Unis d’ajuster ses grandeurs, puisque la majorité de la population américaine nécessite des tailles plus grandes que celles de la France ou de l’Asie, par exemple. Mais aujourd’hui, cela cause certains problèmes.
Trouver sa taille à l’ère du commerce en ligne
Au 21e siècle, avec la mondialisation et le commerce en ligne, les consommateurs ont accès à des marques de tous les pays. Pour s’adapter, les marques ajustent leurs différents styles selon leur audience cible, ce qui fait que l’on retrouve parfois différents ajustements chez une même marque.
Ajoutez à cela les différents systèmes de tailles entre les pays et autres particularités régionales, et la situation qui en résulte est une confusion totale et l’absence de consensus.
La plupart des femmes ont aujourd’hui de la difficulté à trouver des vêtements qui leur vont, car les « standards » actuels sont complexes, parfois désuets, et ne prennent pas en compte la diversité des silhouettes existantes dans la population.
Vers une mode plus inclusive et adaptée
L’histoire des tailles nous montre à quel point ce système, censé simplifier l’achat de vêtements, s’est complexifié au fil du temps. De la confection sur mesure aux tailles standardisées fondées sur des données biaisées, en passant par le « vanity sizing » et la mondialisation, il n’est pas étonnant que tant de femmes aient aujourd’hui du mal à se reconnaître dans les grandeurs disponibles sur le marché.
Face à cette incohérence généralisée, les consommatrices n’ont d’autres choix que d’essayer en magasin ou de bien connaitre leurs mensurations et regarder les chartes de grandeurs des différentes marques avant d’acheter en ligne.
Pour savoir Comment prendre ses mensurations, consultez cet article.
Mais du côté des entreprises, plusieurs pistes s’ouvrent pour l’avenir : certaines marques misent sur la technologie (scan corporel, essayage virtuel, intelligence artificielle) pour mieux orienter les consommatrices vers des vêtements adaptés. D’autres, comme Selfmade Society, reviennent à l’essence même de la mode : créer des vêtements qui s’ajustent aux corps réels, un ajustement à la fois, pour rendre le processus plus humain.
Ce retour au sur-mesure ne vise pas seulement un ajustement parfait : il célèbre aussi la diversité des silhouettes, des goûts et des besoins uniques de chaque femme. Et dans un monde où le prêt-à-porter et la fast fashion tentent encore de faire entrer les corps dans des cases trop étroites, c’est peut-être là que se trouve la véritable innovation.